Turquie (2ème partie)

Quand les gens nous croisent sur le bord de la route, une question récurrente est de connaître notre direction. Depuis la France nous répondions que nous allions vers l’est, la Turquie. Maintenant qu’on y est nous répondons plein sud vers l’Afrique ! Attention, pas de précipitation, il y a encore quelques aventures avant d’y arriver.

Après avoir accompagnés Dilek à l’auto-gare, Thomas, Marcelo et moi partons tout droit dans les montagnes afin de rejoindre Ankara d’ici quelques jours. Il fait toujours aussi chaud mais l’altitude nous donne un peu de douceur. Nous nous réveillons tous les matins dans la fraîcheur et l’humidité. Alors dès qu’on a l’occasion nous essayons de trouver un abri, une cabane ou une maison en construction par exemple.
Des fontaines bordent les routes mais n’ont pas l’air toujours potable. Parfois l’eau qui en sort est de couleur douteuse. C’est bon signe si elle est marron ?

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Nous apprécions énormément de voyager avec Thomas (Yolotour.fr). Nous formons un bon groupe. Le fait de pouvoir échanger en français me fait grand bien. On a beau savoir plusieurs langues, parler dans la sienne sera toujours différent. Certaines pensées ou sentiments sont plus simples à exprimer dans sa langue maternelle.

L’ascension des différents cols est plutôt agréable. Les montées sont longues mais pas trop pentues et permettent de mon monter à bon rythme. À trois les pauses sont plus fréquentes et plus longues. Les casse-croûtes du midi sont toujours un bon moment. Le sandwich type est une bonne miche de pain qu’on agrémente de tomates, concombres, haricots et mayonnaise (un repas semi-équilibré…) avec une variante maïs et çiğ köfte (boulette de boulghour épicées aux légumes). La bouteille de Cola de 2,5 L pour seulement 1 € n’est jamais très loin. De quoi faire le plein d’énergie et de repartir en pensant à la prochaine pause !

La route nous fait passer par certains villages qui continuent de vivre à l’ancienne. Souvent les habitants ne parlent pas un mot d’anglais mais les échanges sont sympathiques. On rigole bien comme à Dolayuz où des bigotes sont installées sur un banc et commentent l’activité matinale du village. Elles veulent qu’on prenne tout et tout le monde en photo.

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Parfois la route réserve quelques mauvaises surprises. Le bitume disparaît le temps de travaux de rénovation. Chaque fois qu’une voiture ou un camion passe, nous nous retrouvons dans un nuage de poussière. Le pire c’est quand ils ont passé la première couche de goudron noire et collant. Nous sommes obligés de rouler sur le bas-côté pas toujours facile.

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Les paysages du nord-ouest de la Turquie ne nous avaient pas emballés. Heureusement les montagnes sont là pour rattraper le coup. Nous enchaînons de beaux panoramas. Nous sommes téléportés du Grand Canyon aux Red Rocks du Nevada. Les couleurs sont diversifiées. Du marron intense au noire cendre, en passant par différentes nuances de rouge et de vert.

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En plein ramadan nous avons déjà eu l’occasion de partager un repas avec une famille musulmane. Nous en partageons un autre quelques jours après suite à une drôle de rencontre. Alors que nous cherchions à dormir sur un terrain de foot nous rencontrons un médecin qui nous propose de nous aider. Au final nous dormirons à côté de son cabinet. Une mosquée s’y trouve et la prière précédant le dîner résonne. Une famille est dehors autour d’une table. Le médecin faisant un rejet total de l’islam nous laisse et nous propose de se retrouver d’ici quelques heures pour boire des bières.
Pendant ce temps-là, la famille nous offre à manger puis partageons un bon moment ensemble. Le médecin revient et se joint à nous mais l’ambiance retombe rapidement. Il a un peu bu et parle en anglais de ce qu’il n’apprécie pas de l’islam. À part nous personne ne parle anglais mais nous nous sentons mal à l’aise. Il parle plusieurs fois de bière et devient pesant. Certains membres de la famille finissent par comprendre et coupent cet élan que nous avions mis en place. Au final nous irons nous coucher sous les yeux des enfants sans partager les bières qui auront gâché une partie de la soirée.
On nous avait promis un petit-déjeuner pour le lendemain mais ils partiront au travail en nous laissant le ventre vide.

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Le soir même je serais encore déçu par une rencontre qui avait pourtant bien commencé. Arrivant dans un village en fin de journée, après une pause glace (multi)-quotidienne pour à peine 0,30 € nous cherchons un endroit ou dormir. Après confirmation avec un responsable nous dormirons sous les gradins d’un terrain de foot. Très vite des enfants arrivent. Thomas sort sa petite guitare, moi mon diabolo et Marcelo joue au ballon avec eux. Ils sont intéressés par chaque objet qu’on sort surtout lors de la préparation du repas. Nous nous prêtons facilement au jeu. Le soleil se couchant ils partent manger avec leur famille. Nous en profitons pour aller nous coucher. Malheureusement une heure plus tard alors qu’on était déjà tous bien endormi ils arrivent accompagnés d’une autre troupe de jeunes plus âgés. Alors que les gradins sont immenses, ils ont la bonne idée de s’installer juste au-dessus de nous. Ils commencent à gueuler et parler au téléphone. S’il y a bien une chose que je déteste c’est quand on ne respecte pas le sommeil des autres. Je suis en train de bouillonner dans ma tente. Ne voyant aucune réaction de notre part ils mettent les bouchés doubles et sortent les lumières et crient « Police ! Police ! FBI ! ». Je prends mon mal en patience et me dis que ça va passer. Mais quand ils commencent à jeter des pierres et un ballon sur ma tente, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Je gueule un « Arhhhhhhhhhhhh ! » en sortant de ma tente, Marcelo me suit. Dans nos mains hachette et machette (comme ça notre réaction peut paraître démesurée mais j’aurais bien aimé vous y voir). Le groupe d’une vingtaine de jeunes prennent leurs jambes à leur cou et décarpillent. Quant à Thomas lui il reste dans sa tente. Non pas par grande sagesse, seulement qu’il est plongé dans un sommeil profond. Même en le secouant ça ne le réveille pas ! Et puis les jeunes reviennent à la charge au bout de 5 minutes… Le cousin policier de Berkail (Istanbul) avait offert à Marcelo une torche faisant office de taser. Dans la nuit noire ça fait fureur et ils s’enfuient une seconde fois. Au bout de la troisième fois, vu qu’ils n’ont pas l’air d’avoir compris je décide d’aller les voir. Dans le groupe normalement c’est plutôt Marcelo le sanguin et moi j’essaye de prendre les choses avec le sourire. Cette fois-ci je suis hors de moi et fonce dans le tas, non pas avec les poings mais avec les mots. Ils finissent par comprendre et s’en vont. L’épisode aura quand même duré plus d’une heure…
Au fond je n’en veux pas aux gamins, ce ne sont que des enfants. Par contre dans le groupe il y avait des plus âgés, certains de plus de 20 ans. C’est de ceux-là que je suis déçu.
Le lendemain matin Thomas n’arrive pas à en croire ses oreilles !

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Reprenons la route vers Ankara. Nous pensons y rester quelques jours le temps que Thomas fasse ses démarches pour ses visas. À quelques jours d’y arriver nous commençons à nous inquiéter puisque personne ne peut nous héberger. En effet nous arrivons pendant les vacances nationales à l’occasion de la fin du ramadan. Nous trouvons finalement sur Couchsurfing un hôte. Nous y restons deux nuits. Je vous passerais les détails mais par mal chance ça se passe mal. Nous avons quand même besoin de rester sur place et trouvons un autre Couchsurfeur. Je ne vais pas dire que ça se passe mal avec lui aussi mais il n’y a aucun échange mais pouvons rester ici le temps des démarches.

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Comme si tout allait bien on reçoit encore une mauvaise nouvelle. Le bateau entre la Turquie et l’Égypte qui s’était arrêté et qui avait repris a maintenant été fermé officiellement à la suite d’un traité. Au niveau du passage terrestre, la Syrie et l’Irak nous barrent la route. Le détour pour rentrer en Afrique par l’Iran et l’Arabie Saoudite n’est pas possible puisque ce dernier ne délivre pas de visa touristique. Notre hôte, averti par les prix d’avion, montre à Marcelo des vols pour à peine 100 €. L’argument prix l’intéresse mais moi pas du tout ! L’avion c’est en dernier recours. N’est-il pas possible aujourd’hui de voyager sans ? Quitter la lenteur de la terre pour s’envoler dans les airs et parcourir des semaines voire des mois de vélo en quelques heures. Ça me crèverait le cœur… L’idée de changer tous mes plans et de continuer avec Thomas vers l’Asie me chatouille l’esprit. Je ne sais plus quoi faire, il faut que je prenne du recul.
Dans mes recherches sur internet je tombe sur un article récent de deux Français (untourdeuxsinges.com) qui ont tenté le coup de passer depuis Chypre en bateau-stop il y a à peine deux mois. Au final ça n’a pas fonctionné mais il existe une liaison hebdomadaire vers le nord d’Israël au prix non négligeable de 230 €. Je préfère aller tenter le coup pour ne pas avoir de regret. Au mieux je trouve un bateau gratuitement, au pire je payerais plus cher qu’un avion mais j’aurais tenté. Nous sommes fin juillet-début août, les chances de réussite sont aux plus élevés. Marcelo se laisse le temps de réfléchir.

Nous devons quitter notre dernier hôte mais nécessitons encore une journée dans la capitale sans avoir de plan pour loger le soir même. Cependant dans la journée nous faisons de belles rencontres. À l’ambassade iranienne (pour Thomas) nous croisons Sri Harsha un Indien parti il y a peu de Londres à moto pour rejoindre ses origines Indiennes. Il nous invite à boire un café. On y reste des heures à discuter. Un Turc intrigué par nos montures et lui-même voyageur se joint à nous. On essaye ensemble de trouver une solution pour cette nuit, mais en vain. Finalement, par solidarité entre voyageurs, Gurkan Genç en ce moment aux Emirats Arabes Unis et originaire d’Ankara nous donne le contact d’un de ses amis à 15 km du centre. Notre séjour dans la capitale turque n’a pas été génial mais là entre les rencontres du matin et celle du soir avec nos hôtes Çağlar et sa femme Dilek nous finissons en beauté ! Nous sommes accueillis chez eux comme des rois. Ils nous offrent tout, jusqu’aux chaussons d’hôtel à la sortie de la douche. Le repas est convivial, on passe une très bonne soirée ensemble.

Au final nous avons tout de même fait de belles rencontres à Ankara. Par contre nous sommes d’accord avec un dicton : « le meilleur à Ankara c’est de retourner à Istanbul ! ». Cependant on part dans la direction opposée…

Nous reprenons enfin la route vers le sud et lac de sel Tuz Gölü qui se trouve à deux jours de route. Les voies sont bondées, en effet c’est le début de la fête de fin du ramadan et tout le monde part dans sa famille. Sur une aire de repos nous rencontrons un jeune français qui est parti de Paris il y a à peine 48h ! Un autre espace-temps. Trois mois pour nous pour arriver là…

Le lac de sel Tuz Gölü nous offre un joli spectacle. Il change parfois sa robe blanche pour une rose. Cela arrive rarement et nous avons la chance d’y assister. La longueur du lac est de plus de 100 km. Aux extrémités ce sont plutôt des étendues de terre sèche recouverte d’une fine pellicule salée. Au centre c’est ce beau spectacle de cristaux roses, parfois recouverts de quelques centimètres d’eau.

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Prochaine destination la Cappadoce. Nous apprenons qu’un ami de Thomas, Jérémie (jeremz.com) est déjà sur place. Il est logé par un Couchsurfeur qui a de la place pour nous. Motivés, nous mettons les bouchés doubles pour y arriver le lendemain.

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Nous sommes donc accueillis par Bruno. Notre hôte est français, il vit 3 mois de l’année à Urgüp au plein milieu du parc naturel de la Cappadoce. Durant cette période son appartement n’est presque jamais vide. Il y a toujours le passage de voyageurs des quatre coins du monde. La règle chez lui est simple, le premier soir la nourriture est offerte et le lendemain c’est à nous de faire la cuisine. Jérémie l’ami de Thomas est en ce moment dans les fourneaux. C’est à lui de mettre la main à la pâte. Par solidarité nous allons l’aider.
Pendant notre séjour ici nous observerons une différence entre nous cyclos voyageurs au long cours et les backpackers en vacances (ou plutôt la différence entre voyageur et touriste). En effet dès notre arrivée, et c’est tout à son honneur, Bruno nous organise notre escapade au travers des fameuses cheminées de fées. Nous, la seule chose que nous voulons c’est nous reposer pendant une journée après plusieurs jours à pédaler sous la chaleur. Il y a à ce moment une mésentente. En effet notre hôte est plus habitué à recevoir des personnes qui ont un timing réglé comme une horloge pour visiter les sites touristiques. Nous nous ne sommes pas en vacances, le voyage est devenu notre mode de vie et nous avons le temps. Nous avons aussi besoin de nos jours de repos ! Voilà aussi la différence entre Couchsurfing et Warmshowers. Le second regroupe essentiellement des voyageurs à vélo et savent en général les envies et besoins de notre « espèce ». Oui nous sommes étranges…

La deuxième journée nous partons tous les quatre en auto-stop muni de nos baluchons. En effet nous comptons marcher dans les vallées et dormir sur place pour contempler le lendemain le fameux spectacle des montgolfières.
Le stop marche plutôt facilement et y arrivons vite. Nous partons un peu au hasard des chemins et aimons nous perdre dans les vallées. Bien sûr entrecoupé de plusieurs pauses avec ce soleil qui cogne bien trop fort !
Bien que le lieu soit une zone touristique nous ne nous sentons pas (tout le temps) à Disney Land. Sur certaines portions nous sommes complètement seuls.

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En fin de journée nous décidons de rejoindre le Sun Set Point View et de gravir la montagne qui s’y trouve. Nous installons notre campement au sommet.
Le lendemain matin, à 5h00, le bruit des flammes gonflant les ballons nous réveillent. Le spectacle commence. Petit à petit elles montent les unes après les autres. On en dénombre au total plus d’une centaine ! Joli spectacle.

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De retour chez Bruno il est temps de faire nos aux revoirs avec nos amis. En effet Thomas et Jérémie ont pour idée de faire l’ascension du Mont Erciyes à 3916 mètres. Marcelo et moi n’avons pas le matériel adéquat et partirons de notre côté le lendemain matin. Jérémie venant d’Asie repartira ensuite vers l’Europe pour son retour en France. Thomas lui continuera son tour du monde vers l’Iran. Nous nous donnons tous rendez-vous un jour sur une route du monde !
Nous avons eu grand plaisir de partager de bons moments avec Thomas sur ces trois dernières semaines. Nous sommes tous un peu triste sur le départ.

Notre descente vers le sud nous fait quitter les zones sèches pour entrer dans cette chaleur constante avec humidité, combinaison pas facile à vivre sur un vélo. Du matin au soir nous sommes dans la moiteur. Une douche fraîche dans une station-service nous sauvera une journée.

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Sur notre chemin nous verrons déjà plusieurs camps de réfugiés qu’on suppose Syriens.

Après plusieurs jours nous arrivons sur la côte sud au niveau de Mersin. L’idée est de trouver un moyen pour rejoindre Chypre. La veille un camionneur nous avait proposé de mettre les vélos dans son camion et de nous avancer. Il allait prendre un bateau pour Chypre. Refusons et nous disons que nous trouverons sûrement sur place un autre camionneur qui nous laissera monter avec lui. Malheureusement là-bas nous nous rendons compte que le système de sécurité est bien trop strict. En plus nous n’arrivons pas à nous faire comprendre.
La deuxième option est de se rendre dans les différentes marinas et prier pour que des voiliers se rendent sur l’île. Sur ce coup non plus nous n’avons pas de chance et les marinas sont souvent vides ou l’accès est interdit, sans moyens de discussion.
Heureusement il existe une liaison en ferry qui part plusieurs fois par semaine de Selifke pour 75 TL (25 €). Ce n’est pas à côté et devons reprendre les vélos. La chaleur et les 90% d’humidité sont intenables, on n’en peut plus. Le mental et le physique en prennent un coup. En plus tous les soirs c’est la galère pour trouver un endroit où bivouaquer. Il n’y a quasi aucun espace naturel. Tout est occupé. Nous sommes obligés de nous faufiler et nous cacher pour espérer passer une nuit tranquille.
D’autres fois après patience et efforts nous trouvons la possibilité de dormir en sécurité. Comme ce gentil monsieur qui ne comprend rien à l’anglais mais qui nous offre son jardin et le cadeau ultime : douche froide et dîner.

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Demain on prend le bateau pour Chypre. L’arrivée en Afrique se fera-t-elle par les airs ou par la mer ?

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