Après une Israël très occidentale nous voilà à présent bien au Moyen-Orient ! Les officiers de police Égyptiens tout en blanc nous accueillent avec un « Welcome to Egypt ! ». Ces trois mots qui nous colleront aux baskets jusqu’à notre sortie du pays.
Le paragraphe qui suit est surtout dédié aux éventuels voyageurs venant d’Israël et souhaitant entrer au Soudan en passant par l’Égypte.
En effet n’importe quelle trace d’un quelconque passage en Israël sur votre passeport éliminera directement vos chances d’entrer au Soudan. Il faut donc vous assurer dès le début d’obtenir votre tampon d’entrée Israélien sur une feuille volante. Le problème ensuite est que si vous entrez en Égypte par Taba (ville frontière), l’ambassade soudanaise en déduira que vous étiez en Israël.
Il existe alors deux solutions si vous écartez le passage en avion et que vous êtes européen. Une est onéreuse, l’autre moins mais plus risquée.
La première consiste à faire un crochet par la Jordanie et prendre un bateau pour traverser la pointe nord de la mer Rouge et arriver à Nueiba. Il faut donc payer le visa d’entrée en Jordanie et le bateau.
Cette option étant hors budget pour moi j’ai décidé de tenter quelque chose de plus risqué. Étant européen et Français j’ai la chance de pouvoir entrer sur le territoire égyptien à la seule présentation de ma carte d’identité. Au Sinaï il n’y a même pas besoin de visa si vous restez moins de quinze jours. J’obtiens après de longues discussions mon tampon d’entrée sur un papier à part. Heureusement je n’ai pas fait l’erreur de faire l’extension du visa sur place. Je prends le risque de le faire dans le sud de la péninsule à Sharm el-Sheikh. On verra comment ça se passera…
Donc après avoir passé tous nos bagages aux rayons X nous pouvons enfin entrer en Égypte. Mon passeport est encore vide de tout tampon, Marcelo bien plus rempli a tout de même risqué de faire son visa égyptien à Eilat (Israël). Nous verrons d’ici deux semaines le résultat à l’ambassade soudanaise…
Encore une petite taxe à payer quelques kilomètres plus loin et nous voilà seuls. Le changement est direct, les check-points militaires lourdement armés sont partout et les demandes de bakchichs sont fréquentes mais nous faisons mine de ne pas comprendre.
Je vous avoue que durant ces premières journées je ne me sentais pas très bien. Le Sinaï est connu comme une région très dangereuse, fief du groupe islamique Daesh. Cette région fait peur et tout le monde me l’a fait savoir les dernières semaines. Mais j’étais sûr que le passage par la côte était possible. Une fois sur place je suis quand même sur mes gardes et ouvre grand les yeux. Le premier soir, plus que jamais, nous devons trouver un endroit pour dormir sans se faire repérer. Sur notre gauche la mer, notre droite des montagnes et devant nous cette route désertique, sans abri. Un peu paranoïaque, j’imagine dans les hauteurs des terroristes qui nous observent.
Les jours suivent et les belles rencontres qui s’enchainent dédiabolisent très vites mes pensées. Nous nous rendons très vite compte que nous sommes en sécurité. Les checks-points militaires contrôlent massivement les routes, il n’y a pas eu d’attaques depuis longtemps et de toute façon le gouvernement égyptien ne le permettrait pas. La côte est très touristique, les nombreux hôtels club sont un apport économique très important pour le pays.
Le seul danger ici serait peut-être ces meutes de chiens qui nous suivent sur de longs kilomètres, plus par jeu que par attaque.
Rotem vivant dans le kibboutz en Israël m’avait donné le contact d’une ferme écologique ici au Sinaï. Nous décidons de nous y rendre et sommes accueillis à bras ouverts par Magid. Le lieu est magique et ne nous laisse pas le choix de rester plusieurs jours.
En plus de la ferme ils ont un lodge au bord de l’eau. Le sable fin et l’eau turquoise nous font profiter des magnifiques barres de corail de la mer Rouge.
Au final nous restons trois jours. Le matin nous aidons à la ferme avant que le soleil ne soit trop fort. Ici pas de terre que du sable ! Je me demande vraiment comment ils arrivent à faire tout pousser ici !
L’après-midi je jongle entre siestes et sorties kayak avec l’énergétique Giacomo, un petit italien en vadrouille avec sa mère.
En reprenant la route nous avons la mauvaise surprise de nous retrouver bloquer par une rivière en crue. Des orages au loin dans les montagnes ont provoqué des torrents dévastateurs détruisants tout sur leur passage. Impossible de passer pour le moment, il faut attendre quelques heures avant de tenter la traversée.
Nous quittons la côte pour s’enfoncer dans les montagnes, la chaleur humide est de pire en pire. Ici pas de check-point et le contact avec le peu des gens sur la route est différent. Alors que Marcelo et moi roulions à quelques kilomètres d’écart, un jeune arrive en trombe avec sa moto et fait un dérapage devant moi pour me couper la route. Je fais comme si de rien était, l’évite et continu ma route. Il revient à la charge et m’insulte, mon cœur bas la chamade mais je ne me démonte pas et mon visage ne laisse rien paraître à part un regard perçant pour essayer de le déstabiliser. Puis il fait demi-tour, l’adrénaline me donne des ailes et rejoint très vite Marcelo. Nous décidons alors de rejoindre Dahab à 40 kilomètres pour ne pas dormir dehors mais la nuit va tomber d’ici une heure. Nous y arrivons de nuit, la ville est touristique et bien sécurisée mais nous ne trouvons aucun endroit pour planter nos tentes. Je n’ai qu’une seule envie, dormir. Je me vois déjà dormir n’importe où, même dans le fossé juste devant moi.
Nous essayons quand même une technique de « vagabond » et allons proposer nos services à un hôtel en échange d’une chambre. La deuxième tentative est la bonne et le gérant du Crazy Camel Camp nous offre la nuit. Il faut d’abord nettoyer une chambre et les différentes toilettes de l’hôtel… Je finis sur les rotules !
A Samar dans le kibbutz je m’étais réhabitué très vite au confort. Un toit tous les soirs, de la nourriture variée et de nombreux amis. Il est plus difficile de revenir dans l’autre sens… Mais sans le hasard et les opportunités de la route je ne serais jamais arrivé là-bas. Je me console en me disant que de belles rencontres m’attendent devant moi.
Le lendemain en est un exemple. Nous avions roulé toute la matinée sous un soleil de plomb, la crème 50 ne suffisait plus, l’ombre d’une école était la seule opportunité pour nous reposer. Quelque temps après le concierge de l’établissement arrive et nous propose de prendre le thé à l’intérieur. Parfois nous devons parler aux locaux avec les mains, cette fois-ci pas le choix. En effet notre nouvel ami est sourd et muet. En plus de ça il sait seulement écrire en arabe… Alors quand on lui demande de nous écrire son nom c’est toute une histoire ! Ça ne nous empêchera pas de passer toute l’après-midi ensemble et de bien rigoler. Nous passons même la nuit là-bas.
Arrivés dans le sud du Sinaï à Sharm-el-Sheikh je dois passer à l’aéroport pour obtenir l’extension de mon visa sur l’ensemble du territoire égyptien. Bien sur tout n’allait pas être simple. Le visa s’obtient facilement pour 25 $ mais pour avoir le tampon qui le valide je dois passer par une agence de voyages (ce qui n’est pas légal). Le prix est de 50 $, je négocie à 40 $. J’aime pas du tout la façon d’opérer mais je n’ai pas le choix.
A Sharm-el-Sheikh notre idée était de prendre un bateau pour éviter de faire un détour de près de 1000 kilomètres et rejoindre Hurgada. J’étais persuadé que le passage était possible. Une fois sur place et après avoir fait le tour des six différents ports il faut se rendre à l’évidence, la ligne est fermée et ça depuis plus d’un an… Que faire ? Nous ne nous voyons pas remonter tout le Sinaï vers Suez. Ça voudrait dire montagnes et vent de face sur plus de 300 kilomètres. En plus de ça Daesh coure dans le coin et il y a quelques jours la police a tué deux touristes mexicains les prenant pour des terroristes… Le choix est vite pris et nous décidons de prendre le soir même un bus pour Le Caire.
C’est là encore toute un aventure accompagnée de musique arabe et d’arnaques dans tous les coins. En plus de ça les égyptiens aiment bien faire compliquer, ils veulent tous mettre leur grain de sel et ça devient très vite un cauchemar.
Pendant le trajet nous sommes passés par le fameux tunnel du canal de Suez. Il est impressionnant de voir ces immenses portes-conteneurs en plein milieu du désert.
La nuit a été difficile, mais pas le temps de nous reposer, le bus nous jette directement dans la cohue du Caire. En plus de ça nous n’avons aucun plan pour dormir ce soir, il va nous falloir trouver une solution pour éviter l’hôtel.
Nous finissons à peine de remonter nos vélos qu’un groupe de plus de 60 cyclistes passe devant nous. Nous décidons de les suivre et à la première pause on commence à sympathiser avec eux. Malheureusement à part un nombre de selfie inimaginable nous n’obtiendrons pas de toit pour la nuit. Affamés certains nous proposent de nous restaurer ensemble. Ils connaissent une bonne adresse mais il faut traverser la folie des rues de la ville. Istanbul m’avait surpris mais ici au Caire c’est beaucoup plus bordélique et aussi beaucoup plus pollué. J’adore quand même passer par les ruelles, chacune a sa spécialité. L’une est remplie d’échoppe travaillant le fer, l’autre le bois et plus loin on trouve des troupeaux de chèvres ou de vaches airant « librement » avant de terminer à la boucherie. Ce capharnaüm est un mélange d’effrayant et surprenant.
Par hasard nous rencontrons Ahmed membre du groupe Pirate Cyclist. Il nous accompagne pour manger et nous invite par la suite à passer la nuit chez lui avec sa famille.
Nous mangeons encore une fois le plat typique qui se trouve partout. Ces haricots appelés foul qu’on mange avec du pain accompagnés parfois de fromage, hummus et différents légumes. Un régal !
Le lendemain je me réveille avec un cadeau d’accueil de l’Afrique, bonjour la diarrhée !
Nous profitons d’avoir une connexion internet pour préparer la suite de notre voyage. Nous ne voulons pas faire nos visas pour le Soudan ici mais dans le sud à Aswan. Là-bas il coûte 50 $ contre 100 $ au Caire.
Pour s’y rendre nous avons trois choix. Le premier et le plus direct est la descente du Nil. Par contre la zone est réputée comme dangereuse et la police risque de nous interdire l’entrée ou nous coller une escorte sur près de 800 kilomètres. Le second choix est de prendre la route des Oasis, belle et plus tranquille mais bien trop longue. Le visa de Marcelo ne nous permettrait pas de nous attarder sur cette route. La troisième solution et celle qu’on choisira par défaut est de longer la mer Rouge à l’est. La route est à peine plus longue qu’en longeant le Nil et le vent nous poussera dans le dos. Par contre la zone est moins belle et plus touristique.
Nous passons encore une journée au Caire avant de partir. Il va encore falloir trouver une solution pour la nuit.
La ville est immense et il nous faut plus d’une heure pour arriver aux pyramides. Sur le chemin j’aurais ma première crevaison du voyage après plus de 7000 kilomètres… Merci les Marathon Plus Tour.
Ahmed nous quitte pour aller au travail. Nous sommes heureux d’avoir fait sa connaissance, un chic type d’une simplicité extraordinaire.
En arrivant aux pyramides il est déjà tard et tout est fermé. La nuit commence à tomber et il nous faut absolument trouver une solution. Les hôtels dans cette zone sont sûrement bien trop chers pour nos porte-monnaie.
Au pied d’un immeuble en construction nous commençons à parler avec des maçons. Ils vivent ici et nous invitent à boire le thé. Nous les suivons et au bout d’une heure la nuit est complètement tombée. Ils nous proposent de partager le repas et de mettre nos tentes à l’un des étages. La surprise est belle le lendemain matin. En nous rendant sur le toit nous avons une magnifique vue sur les pyramides. Notre chambre à vue panoramique ne nous à rien coûté à part un paquet de spaghetti, monnaie du cyclo-vagabond…
Il est temps de quitter cette ville de seize millions d’habitants. Dernière épreuve dans la folie du périphérique et nous voilà enfin dans une zone plus désertique.
Le vent favorable nous pousse jusqu’à la fin de journée 160 kilomètres plus loin. Les jours suivants se feront au même rythme. Afin d’éviter les grosses chaleurs de l’après-midi nous partons avant le lever du soleil et bouclons parfois plus de 150 kilomètres avant 13h00.
Nous roulons entre la mer bleue turquoise et le désert toujours plus aride. Certains tronçons sont magnifiques alors que d’autres sont gâchés par les sites touristiques et les différentes industries. Il n’est pas rare de voir au loin des plateformes off-shore et des raffineries.
Ces longues étendues désertiques laissent énormément le temps à l’esprit de vagabonder. Le moment présent ne laisse pas grand-chose pour se divertir, il laisse seulement la place aux souvenirs ou à l’avenir. Sans musique dans les oreilles je deviendrais parfois fou.
Je ne vais pas le cacher, pour l’instant l’Égypte est le pays que j’apprécie le moins. Le plus dur est le contact avec la population. À part quelques personnes qui se comptent sur les doigts d’une seule main, les belles rencontres sont rares. Toute la journée on se fait klaxonner, pas une voiture n’y échappe. D’accord en Turquie c’était la même chose, mais là-bas ils nous saluaient accompagnés d’un grand sourire. Ici ils klaxonnent et font la gueule. Parfois même certains s’amusent à nous foncer dessus et à dévier au dernier moment. Pour t’appeler ils te sifflent ou t’interpellent comme un chien. Les seuls sourires qu’on a sont moqueurs. Nous vivons ça depuis notre entrée et nous commençons à en avoir ras-le-bol. Nous ne le savons pas encore mais le pire nous attend…
En partant de Safaba un matin nous ne pensions pas dormir en prison le soir même. Nous partons donc de cette ville pour quitter la côte et entrer dans le désert. D’après nos informations il y a 170 kilomètres sans ravitaillement. Nous nous chargeons alors comme des mulets et sommes prêts à affronter ce défi en une journée. Nous sommes bien vite stoppés par un barrage policier. On nous laisse passer au bout de 10 minutes mais deux kilomètres plus loin une escorte arrive. Nous enchaînerons en tout sept différentes dans la journée. Toutes veulent nous faire monter dans leur pick-up mais nous refusons à chaque fois.
Le vent est terrible et décidons de profiter des voitures qui nous suivent pour nous faire barrage du vent. Chaque fois que l’équipe change il faut leur faire comprendre dans un arabe très (très) approximatif qu’on veuille se mettre derrière eux. Parfois ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre.
Après 170 kilomètres nous arrivons à Qena épuisés. Notre dernière escorte veut se débarrasser de nous en nous laissant à l’hôtel. Les voilà bien embêtés quand nous leur disons que nous n’avons pas d’argent et que nous voulons planter nos tentes. Ils sont désemparés et ne savent pas quoi faire.
Ils nous emmènent alors au check-point de la sortie de la ville et après de longues discussions et engueulades entre eux, on nous laisse dormir dans la cellule. Nous convenons avec le colonel que nous partirons le lendemain matin à 5h00 pour éviter les grosses chaleurs.
Nous nous installons finalement dans notre petite cellule et nous nous reposons enfin.
Je prends la situation à la rigolade avant que l’équipe de jour soit remplacée par celle de nuit. Ce n’est plus du tout la même ambiance. Nous ne nous sentons pas du tout les bienvenus. Pendant la nuit je me réveille plusieurs fois trempé puisqu’un malin s’amuse à couper le ventilateur.
Alors que nous nous apprêtons à partir à 5h00 comme convenu les officiers de garde nous empêchent de prendre la route. Ils nous disent d’attendre encore deux heures notre escorte. Nous commençons à vraiment à en avoir marre et tentons de partir. Je leur dis « We are free !!! » et là je sens que j’ai dit une connerie… Leur réponse est sans un mot, ils ont juste la « bonne » idée de nous enfermer dans notre cellule. Avant qu’ils ne ferment la porte à clé, mon bras long et fin me permet de le passer par la petite ouverture et de nous libérer. Delà nous devenons des bêtes enragées, leurs mitraillettes nous calment rapidement mais nous voyons quand même la peur dans leurs yeux (il aurait fallu nous voir). En tout cas ça a eu l’air de fonctionner puisqu’ils passeront un appel et 10 minutes plus tard une escorte arrive.
Le contact avec les Égyptiens est toujours aussi compliqué et être accompagné par la police n’arrange pas les choses. Nous recevons même nos premiers cailloux. Heureusement nous nous consolons avec les beaux paysages verts autour du Nil et tous ses beaux oiseaux qui y vivent.
Arrivés à Louxor et après trois escortes nous sommes libres de nos mouvements.
La ville n’est pas très agréable. La chute du tourisme rend la vie de la population très difficile, pas étonnant quand on sait que ¾ d’entre eux vivent de ça. Tout le monde veut tirer son épingle du jeu, provocations et arnaques sont constantes.
Nous trouvons une église franciscaine pour nous réfugier. Un havre de paix qui nous permet de nous rassasier et de passer une bonne nuit.
Le matin, les bords du Nil sont agréables, surtout quand aucune escorte nous colle aux fesses. Les provocations diminuent, les peaux se foncent, on sent que la Nubie approche. Malheureusement la police nous rattrape et se remet à nous suivre. Cette fois-ci on n’en a marre et nous enchainons les pauses, parfois longues ce qui les énervent. On leur fait comprendre que si ça les embête ils n’ont qu’à aller voir ailleurs. Le pire c’est quand ils nous disent d’accélérer la cadence, à ces mots je n’ai qu’une seule envie, freiner.
Nous sommes encore piégés, ils veulent nous laisser dans un hôtel. On nous emmène alors dans un check-point où on nous proposera encore une fois la cellule. Au début les rapports sont tendus, des agents des renseignements viennent nous poser de nombreuses questions. Un lapsus me fait parler de Shekel la monnaie israélienne (pays précédent) plutôt que les Pounds égyptiens. Tout de suite les rapports changent, ils me posent dix fois plus de questions et veulent savoir si j’ai la double nationalité franco-israélienne. Ils se rendent vite compte que je ne suis qu’un voyageur et la pression diminue. L’Égypte est en paix avec Israël, je n’ose donc pas imaginer si j’avais fait l’erreur dans leur pays voisins…
Suite à ça on s’installe et sympathise avec les officiers. Je sors d’abord mon diabolo puis ma guitare. Marrant de les voir s’amuser avec. L’un a dans les mains ma guitare, l’autre sa mitraillette… Toutes les photos avec des officiers en uniforme sont illégales.
L’équipe change pendant la nuit mais cette fois-ci pas de problème.
C’est reparti pour les derniers cent kilomètres jusqu’à Aswan. Notre première escorte est marrante, elle nous protège même jusqu’aux ânes. Tous les jours nous aimons faire nos petites pauses sandwichs aux falafels et les dattiers qui bordent les routes nous donnent l’énergie suffisante pour avancer.
Notre seizième escorte, celle qui nous emmènera jusqu’à Aswan crèvera quelques kilomètres avant. La roue de secours est elle aussi à plat. Ils ne savent pas quoi faire, nous on n’arrête pas de rigoler. C’est une belle occasion pour s’échapper mais ils ont toujours l’argument mitraillette. Mais bon seraient-ils vraiment prêts à nous tirer dessus ? Leur unité est dédiée à la protection des touristes, ça ne ferait pas très bonne presse.
Une fois arrivés à Aswan ils veulent encore une fois nous laisser à l’hôtel. Ils ont l’air dépités quand ils comprennent qu’on ne se débarrasse pas de nous aussi facilement. Nous devons y rester quelques jours afin de tenter d’obtenir nos visas soudanais. La seule solution que nous voyons est d’essayer à l’église catholique. Nous suivons donc les policiers jusqu’à la mission Comboni. Nous rencontrons le père Lorenzo et après concertation avec les autres pères ils nous offrent une petite chambre au fond du jardin. On ne demandait pas plus ! Ils acceptent de nous accueillir le temps de nos démarches administratives.
Le lendemain je me rends la boule au ventre à l’ambassade soudanaise. Nous avons décidé d’y aller séparément avec Marcelo par sécurité. Si l’un se fait refouler, les chances de l’autre ne seront pas anéanties.
Je passe plusieurs heures là-bas. Ils prennent toutes mes informations ainsi que mon papier où figure mon entrée en Égypte par Taba, frontière avec Israël. Je paye les 50 $ et ils me disent de revenir le surlendemain. Tout le monde me dit que si j’ai payé c’est qu’ils vont me donner le visa. J’y croirais une fois le papier en main.
Le lendemain c’est au tour de Marcelo de s’y rendre. Il remplit les papiers puis l’un des employés ouvre son passeport. Il voit qu’il a obtenu son visa égyptien à Eilat et lui demande « Where is Eilat ? », Marcelo répond « In Israël », l’employé le regarde et ferme aussitôt son passeport « Ok good-bye. ». Marcelo tombe dénue, il n’a même pas le temps de s’expliquer.
En revenant le lendemain matin j’obtiens par chance mon visa. Une semi-victoire. Je ne sais pas s’ils n’ont pas remarqué la présence du tampon « Taba » ou tout simplement que c’est grâce à mon passeport vierge. En tout cas figure sur la 6ème page de mon passeport le visa soudanais !
Marcelo décide alors de prendre un bus pour remonter au Caire. Là-bas il fera les démarches pour obtenir son visa éthiopien et prendra un vol pour le Addis-Abeba. Notre plan est de nous retrouver là-bas sur la route. Se dire au revoir est très difficile après ces six mois passés ensemble. Vivre près de 24/24h ensemble est parfois très difficile, mais ces dernières semaines sur les routes égyptiennes notre amitié s’est consolidée et renforcée. Pas facile de nous quitter à ce moment.
Nous ne le savions pas mais la route en avait encore décidé autrement, les choses ne se sont pas passées aussi facilement. En effet à son arrivée au Caire il s’est directement dirigé vers l’ambassade éthiopienne. Celle-ci lui a refusé l’application de son visa pour cause que son pays ne se trouve pas sur leur liste. Sa seule possibilité pour l’avoir est de retourner dans son pays. Les chances de nous revoir se rétrécissent puisqu’il se voit déja prendre l’avion pour Nairobi au Kenya. Une mauvaise nouvelle en apportant une autre, Marcelo apprend qu’un des membres de sa famille a de terribles problèmes de santé. Pour lui c’est évident il doit mettre son voyage qu’il a commencé près de trois auparavant de coté pour un certain temps. Il laisse son vélo chez notre ami Ahmed et prend déjà son billet retour pour dans 6 mois.
Me voilà aux portes de l’Afrique, seul, une nouvelle aventure commencence promettant de nombreux rebondissements…
Bravo et merci Gautier pour ce récit passionnant et pour les vivantes photos qui l’illustrent!
Tu nous donnes une image concrète de la vie quotidienne dans ces pays traversés au ras de la route.
L’immersion dans les territoires palestiniens puis dans kibboutz sont des expériences qui en apprennent davantage que tous les médias.
Vive le vélo et les rencontres qu’il permet!
Dans son très intéressant « Le tour des départements de France à vélo », Aurélien Chaméon écrit page 110:
« 12 Novembre 2014:… Dans cette boutique au coeur de Rennes, je fais la connaissance de Gautier, un jeune mécanicien à vélo, âgé tout juste de 20 ans. Il me propose de m’accompagner lors de ma prochaine étape. En chemin Gautier me parle de son magnifique projet cycliste qui débutera en avril prochain. Il partira pour un tour du monde, prévu en cinq ans, soit 90 000 km. Son budget sera très limité, il sera hébergé chez l’habitant et prévoit une tente par sécurité. Le projet de Gautier est mûr et réfléchi et je suis sûr qu’il réussira. »
Il t’avait très bien cerné!
Allez prend soin de toi et des autres et Waka Waka, this time for Africa.
Christian
Quelle aventure, merci pour ton récit passionnant et bon vent pour la suite!